Dans cette rubrique nous vous proposons de découvrir deux interviews de Chester :

 

1) Chester, bonnes mines de Frank Frejnik

l'univers de Chester et son parcours commenté

 

2) Vous prendrez bien un peu de...Chester de Nath (Fanzine Ekokille - 1996)

une interview pour tout savoir sur Chester
(d'où vient son surnom, comment Luky Luke a marqué sa vie, les gens et les choses qu'il aime….)

 

 

Chester

Bonnes mines

Article de Franck Frejnik


Son nom n'évoquera peut-être rien pour vous. Mais, si vous êtes familier des fanzines, son trait et son style graphique vous auront forcement attiré le regard. D'un parcours classique (Bac A1, Deug et Licence d'Arts Plastiques) qui auraient pu lui ouvrir pas mal portes, Chester s'est fait un nom dans le fanzinat.
De ses premiers dessins " dans les marges de mes cahiers d'école comme Guy Degrenne") aux pochettes de disques des Cadavres, des Sales majesté ou Klunk, il récapitule son parcours :
" C'est vers 85/86 que j'ai commencé. D'abord dans mon propre fanzine musical, parce que les photos passaient mal en photocopies. Ensuite à Paris où j'ai fait deux autres fanzines, Prise de tête & Tête de lard et Dortoir des Grandes où le côté graphique a pris plus d'importance. Malgré toutes ces galères, le fanzinat est une bonne école. J'y ai aussi rencontré pas mal de gens, dont certains m'ont énormément aidé, comme Marsu, alors manager des Bérus, Didier Bourgouin de la Fanzinothèque, Vérole chanteur des Cadavres à l'époque, et Duduche du CAR. Grâce à eux j'ai fait mes premiers travaux pour des groupes (Dileurs, Cadavres), j'ai participé à l'Espace Fanzines du Festival BD à Angoulême… ce qui m'a amené à faire plus de bandes dessinées ".
En 1995, la Fanzino sort son premier recueil BD, Génération Sacrifiée. Suivront ensuite les auto-éditions La Punkitude, ça n'existe pas !, Le Spectacle continue, Fils de Tarba et dernièrement X-scape, une BD sans paroles s'adressant à un public plus large.
"J'ai envie de me diversifier, de développer d'autres projets, pour les enfants notamment. Il y a un côté de mon travail que je ne montre pas, des dessins pour t-shirt, des pubs, bref des dessins qui n'ont rien à voir avec le punk. Mais j'ai toujours envie de faire vivre la culture punk , parce que c'est celle que j'aime ". Alors que de nombreux autres dessinateurs (Alto, Tapage ou Gil) semblent avoir délaissé leur table à dessin, Chester, lui continue d'alimenter fanzines et groupes. On pourrait même dire qu'il est aussi bavard qu'il a de projets. Sont en préparation un nouveau recueil de BD et surtout un comic de grande envergure. Si les dessins de ce hors-série vous plaisent vous savez quoi faire.

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  • Au fait, tu es plutôt Asterix le gaulois, Tintin le bouffeur de frites ou Luky Luke ?

Chester : Actuellement j'avouerai plus volontiers des influences allant des Pieds Nickelés aux Freaks Brothers en passant par Fritz the cat, Raoul Teigneux, Lucien, Les Closh, Kebra, Rebel, Bloody et une bonne partie des acteurs graphiques du mouvement underground USA des années 70-80 (les uns pour leur graphisme, les autres pour les thèmes qu'ils abordent, ou bien pour leur démarche humaniste…) Néanmoins je respecte beaucoup et j'apprécie le travail d'Uderzo, d'Hergé, Morris, Gotlib, ranquin, Pratt, Manara, Liberatore, Loro, Binet, Maester, Petillon, Cabu, Tignous … (la liste n'est pas exhaustive). Mon style est aussi empreint de leurs créations. J'aime les productions de tous ces créateurs pour mille raisons différentes et j'observe leurs parcours avec intérêt et attention pour essayer de mieux cerner mes envies et construire plus précisément mon propre parcours graphique.

  • Quand as-tu chopé le virus du dessin ?


Chester : Tout petit déjà ! Mes parents m'ont souvent raconté que j'aimais dessiner des gribouillis ! Par la suite, à l'école j'ai continué à " crobardiser " des formes bizarres sur chaque support susceptible d'accueillir mon empreinte graphique. Plus grand, je dessinais des couverts et des assiettes dans les marges des cahiers scolaires ; mais un type m'a piqué le filon (un certain Guy Degresnes, je crois. Quel fumier !) Finalement je me suis réfugié dans la musique punk-rock pour découvrir qu'au bout du compte, il y a une vie dans la punkitude !!!

  • A l'école, tu caricaturais tes profs ?

Chester : Oui, parfois cela m'est arrivé ; mais il faut bien avouer que c'était souvent des dessins pour faire marrer les potes. C'était des trucs souvent " gore " ou scabreux représentant les profs en pleine action (ou des trucs du style…) Enfin des dessins d'ado acnéique coincé à la recherche de son identité.

  • Pourquoi toujours Vérole ou Marsu comme" tête de turc " ?

Chester : Parce que leurs personnalités m'inspirent et aussi parce que ce sont avant tout des amis qui me sont chers dans tout leur être et qu'ils ne se vexeront pas, si je me permets quelques légèretés à leur égard. Pour moi ce ne sont pas des " têtes de turc " ; ce sont des éléments de mon histoire personnelle. Nos parcours se sont croisés et pour moi, ça a fait WIZZZ !!

  • Combien as-tu sorti de recueils de dessins ?

Chester : Pour l'instant, j'ai sorti officiellement deux recueils de dessins. Le premier est une bande dessinée d'une trentaine de pages (" Génération sacrifiée ") que la Fanzinothèque de Poitiers) a édité à 500 exemplaires ; cette bande dessinée raconte l'histoire de Fernand Krawa, un jeune keupon qui se ballade dans Paname avec ses deux potes en pleine dérive punk-rock. Le deuxième s'appelle " La punkitude ça n'existe pas " et il regroupe une quarantaine de dessins issus de mes délires dans le milieu punk-rock et notamment avec les Cadavres.

  • Quand te lances-tu dans la bande dessinée ?

Chester : A mon avis, on ne se lance pas dans la BD, on s'essaye à la BD ! En ce moment je mets sur pied un projet d'histoire complète de la BD, avec un jeune dessinateur de talent nommé Gael (déjà publié dans Coma Lucide, Ogoun, Fumée Clandestine tome 2, Le P'tit rouleur illustré…). On a déjà créé deux personnages principaux (dont un keupon) et on compte sortir l'album début 98, chez un éditeur nous permettant de toucher un lectorat plus important si possible. En attendant, je continue de produire des dessins et des planches BD à droite et à gauche.

  • Un musicien veut tourner et faire des disques ; que souhaite un dessinateur-caricaturiste plein de talent comme toi ?

Chester : Plein de talent ?? Faut pas rêver, je suis conscient de mon niveau ! par rapport à la masse de dessineux qui se presse au portillon, je reste dans la moyenne, mais il y en a de beaucoup plus talentueux que moi !…
Enfin bon, mon rêve serait de dessiner tout le temps et d'arriver à en vivre convenablement ! Ce qui n'est malheureusement pas encore le cas… Mais bon, j'imagine que du côté des Gasteropodes Killers et de l'Ekokille, vous ne mangez pas non plus le caviar à la louche !!!

  • L'angoisse de la feuille blanche, t'en ais quoi ?

Chester : Je ne connais pas. J'ai toujours un truc à exprimer, surtout quand mon côté militant reprend le dessus !

  • Qu'est ce qui t'inspire à part les deux cités plus haut ?

Chester : Le mouvement punk m'inspire beaucoup dans son ensemble, avec tout ce qui le touche de près ou de loin. J'aime les codes vestimentaires (fringues et coiffures), la culture (musique, écrits et images ), la philosophie existentielle et la démarche politique du mouvement punk en général. Le déclic pour moi, c'est " Do it yourself ! ", après t'en fais ce que tu veux ; mais, quoi que tu fasses, l'important c'est de l'assumer ! Pour ma part la punkitude n'est pas seulement synonyme de " chaos ", " no future " et " vomissures de bière " !
Ces images et slogans obsolètes ne sont pas l'expression d'une grande intelligence ; et l'excuse facile de la provocation et du second degré ne me satisfait plus ! Fuck !! Si nos espoirs de voir, un jour, la société évoluer vers les aspirations de " Bien être et Liberté " qui sont les miennes, je pense qu'il faudrait réagir de façon plus positive. Pour beaucoup trop de gens (surtout extérieur, voire opposé au mouvement punk !), la punkitude est assimilée à une tare, et les keupons restent des toxicos alcooliques qui contestent la société de façon excessive sans proposer d'alternative constructive en contre partie (excepté de 1985 à 1989, date du grand boum du mouvement alternatif en France, avec les Béruriers Noirs, et tous les groupes se revendiquant du mouvement).
A cette période ( de 85 à 89), une alternative politique a été proposée et une tentative de mise en pratique a vu le jour avec une large mobilisation des acteurs du mouvement punk et du public !… Malheureusement, le mouvement alternatif a fait " feu de paille ", et les espoirs nourris par tous sont retombés au point zéro. C'est dommage !!!…
Personnellement, il me reste encore des séquelles de cette époque, et je continue de nourrir en moi l'espoir qu'un jour les données politiques, sociales et économiques de ce pays et du monde changeront !!!… Et prétentieusement, je pense que mon activité graphique peut y aider, au même titre que l'activisme musical de certains groupes musicaux (Infraktion, Ahorcados, Heyoka, Les sales majestés, Burning Heads, Legitime défonce, Un Dolor, Zabriskie Point et consorts…) Comme le dit la maxime : " l'espoir fait vivre !! "
A mon sens, Punkitude et Réflexion ne sont pas antinomiques ; même si parfois certains keupons donnent l'impression que Punkitude rime avec Beaufitude !!! Punk as Fuck !!

  • Chester, c'est un surnom ou celui de ton père ?

Chester : C'est parce que ça rime avec " ta mère " (rires). Non, en fait, c'est un délire autour du personnage du chat de Lewis Carroll dans " Alice aux pays des merveilles ". Ce chat, habitant la forêt du comté de Chester, aborde un large rictus semblable au mien quand je suis en forme (reportez vous à la version en dessin animé de Walt Disney !)

 


Interview réalisée par Nath en 1996 pour le zine l'Ekokille
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